Interview donnée par Marielle de SARNEZ au journal "europolitique".
Par Nathalie Vandystadt
Pour la candidate démocrate (MoDem)1, tête de liste en Ile-de-France, le libéral belge fera entendre sa différence dans la course à la présidence de la Commission européenne.
Est-il encore temps d’éviter l’abstention et une montée des partis populistes ?
Il faut utiliser le temps de la campagne pour expliquer combien l’avenir de l’Europe est important et combien les citoyens doivent en décider eux-mêmes. La montée des populismes est réelle. Les citoyens ne se sentent pas partie prenante des décisions qui se prennent au sein de l’Union européenne. Il faut que ça change. Il est de la responsabilité des Européens d’incarner une volonté politique nouvelle, en rappelant que l’Europe est la seule réponse si nous voulons sauvegarder notre modèle de société, défendre nos valeurs, conserver notre place dans le monde. Il nous faut donc construire une Europe plus efficace et plus démocratique.
Quelle place existe-t-il pour Guy Verhofstadt (ADLE) face à Jean-Claude Juncker (PPE) et Martin Schulz (PSE) ?
Pour présider la Commission, il nous faut un grand Européen, convaincu, compétent, polyglotte. Quelqu’un d’expérience car nous sommes dans un moment de crise, mais qui ait en même temps l’énergie et l’envie d’incarner un projet européen refondé. J’ai donc la conviction que, pour l’intérêt général européen, le meilleur candidat – et de loin ! – est Guy Verhofstadt. Et je refuse l’idée que le choix ne devrait se faire, pour des raisons purement politiciennes, qu’entre le candidat des conservateurs et celui des socialistes. Une surprise est possible. Il va y avoir des débats télévisés. On va entendre la différence et Guy Verhofstadt sera, j’en suis sûre, le plus attractif des trois.
Quelles sont ces différences ?
Pour nous, les premières priorités sont la croissance et l’emploi. Il faut davantage d’intégration entre les pays de la zone euro, et une politique économique équilibrée. Il n’est pas responsable de laisser se creuser les déficits, il faut donc du sérieux budgétaire. Dans le même temps, la zone euro doit se doter de nouveaux instruments au service de la croissance : nous voulons des « project bonds » dédiés à l’investissement européen. Nous voulons mobiliser l’épargne européenne au service de l’investissement des PME, créer de nouveaux géants industriels, des « Airbus » dans des domaines d’avenir et de croissance, et mutualiser certains moyens, par exemple en matière de recherche et d’innovation pour que l’Europe conserve son avance.
La France devrait-elle obtenir un nouveau délai auprès de l’UE pour combler son déficit public ?
Trop souvent, la France a fait de l’Europe le bouc émissaire de tous ses maux, que le gouvernement soit de droite ou de gauche. Notre pays doit affronter ses propres difficultés, et y répondre en menant à bien les réformes de structure nécessaires au redressement de notre économie. Des délais utilisés pour réformer durablement ce qui doit l’être peuvent être profitables. Mais, si c’est pour pratiquer une fuite en avant, sans engager les réformes nécessaires, alors cette politique est mauvaise et nous conduira droit dans le mur. La question qui se pose en France est celle de la crédibilité des discours et des engagements.
Vous dites que l’axe franco-allemand « ne doit pas être le seul mantra européen »…
L’axe franco-allemand est très important, mais il faut des alliances plus larges. En outre, s’il existe une vision allemande de l’Europe, incarnée par Angela Merkel, à l’évidence, il manque une vision française de l’Europe. Or, on a besoin de confronter les visions des grands pays d’Europe, pour ensuite faire émerger une vision commune.
Quelles sont vos priorités ?
Aujourd’hui, les citoyens ont trop souvent le sentiment que l’Europe n’est là que pour produire des normes. Il faut passer à autre chose, à des stratégies économiques, industrielles, budgétaires, de politique étrangère, de politiques migratoires, de co-développement, avec l’Afrique en premier lieu, qui sera le continent de toutes les croissances. Autre grande attente des citoyens : que l’Europe soit plus claire, plus lisible, plus démocratique. Qu’elle ne se fasse plus en catimini. Voilà un des enjeux essentiels de cette élection : les citoyens doivent peser sur les choix européens.
Le projet d’accord de libre-échange avec les Etats-Unis (TTIP) peut aussi effrayer…
L’absence de débat public autour du TTIP, notamment en France, n’est pas une bonne chose. Au Congrès américain, ce projet fait l’objet de très nombreux débats. Ce n’est pas le cas en Europe, pas plus au sein des parlements nationaux, que des gouvernements. Le travail utile du Parlement européen ne suffit pas. Il faut une prise de conscience dans nos pays, car les Européens ont, dans cet accord, des intérêts majeurs à défendre, dans tous les domaines, culturels, mais aussi agricoles, normatifs...
Comment voyez-vous l’ADLE évoluer ?
L’ADLE sera, au Parlement européen, le groupe central avec lequel il faudra compter. Pour la désignation du président de la Commission, comme pour toutes les grandes orientations des cinq prochaines années. Plus rien ne pourra se décider sans nous. C’est une bonne nouvelle pour tous les démocrates européens !