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"François Bayrou : le prix du courage politique" Par Marie-Anne Kraft

A lire dans Mediapart

16 Juin 2012 

Titre à double signification : d'une part "François Bayrou paie le prix de son courage politique", d'autre part "François Bayrou mérite le premier prix du courage politique", si ce dernier existait (on connaît déjà le prix de l'humour en politique, la noix d'honneur ou le mur du çon du Canard Enchaîné, bientôt sans doute le prix des twitts politiques les plus ravageurs, mais pas encore celui-là !).

Episode 1 en 2002 :  à Toulouse, François Bayrou refuse de rejoindre l'UMP après la réélection de Jacque Chirac, en déclarant une phrase historique "Si nous pensons tous la même chose, c'est que nous de pensons plus rien !" Mais la plupart des députés de l'UDF ne résisterons pas à l'appel du pouvoir. A la veille des élections législatives, 50 des 67députés UDF rejoignent l'UMP.

Episode 2 en 2007 : entre les deux tours de l'élection présidentielle, François Bayrou franchit le rubicon avec son célèbre "Je ne voterai pas pour Sarkozy", justifiant son choix par une incompatibilité de valeurs (l'apologie de argent-roi, le bling-bling, le comportement politique divisant les Français et régnant par menace et récompenses,  ...). Même si par ailleurs, plus proche de Ségolène Royal sur le plan des valeurs, il ne partageait pas son programme. 20 députés UDF soutiennent alors Sarkozy et en échange de leur ralliement voient leur réélection facilitée par l'absence d'un concurrent UMP.

Episode 3 en 2012 : au lendemain du débat de l'entre-deux tours, François Bayrou a fait une déclaration en fustigeant  "la ligne violente qu'a choisie Nicolas Sarkozy", "une course-poursuite à l’extrême droite dans laquelle nous ne retrouvons pas nos valeurs". Sans donner de consigne de vote à ses électeurs, il déclare : "François Hollande, c'est le choix que je fais". Comme en 2007, il justifie son choix en termes de valeurs, qu'il partage avec Hollande, tout en critiquant pourtant le programme du PS, ses promesses intenables, un budget trompeur basé sur des hypothèses non réalistes,  "un programme économique inadapté à la situation du pays et encore plus à la crise qui vient".

Cette dernière position risque d'être fatale à François Bayrou, à tout le moins à court terme sur le plan électoral, car il a sucité à la fois la vengeance de l'UMP sans pour autant éveiller la reconnaissance du PS. Le report des voix de Bayrou sur Hollande a beaucoup contribué à la victoire d'Hollande : Bayrou avait fait 3,3 millions de voix au 1er tour (9,13%), et Selon un sondage IPSOS,   29% de ses voix, soit 1 million se sont portées sur Hollande. Or Hollande gagne sur  1,15 millions de voix. Donc ça n'a pas été neutre. Un appel de Bayrou à voter Sarkozy ou blanc aurait pu le faire perdre.

L'honneur de Bayrou est d'avoir affirmé ce qui lui paraissait juste pour le pays, sans rien négocier, sans tomber dans le calcul électoral.

A ceux qui lui reprochent d'avoir mis en danger son parti en donnant cette position, je répond qu'avant cette annonce, il a convoqué le Conseil National du Mouvement Démocrate, dont je suis membre et auquel j'ai assisté, et que cette position correspondait à la majorité des intentions affirmées par ses représentants, partagés entre le blanc et le vote Hollande plus affirmé, une seule s'avouant en faveur de Sarkozy. Il n'y a pas eu vote mais le résultat d'ensemble était clair.

A ceux qui sont traditionnellement de position "centre-droit", qui ont été choqués par l'affirmation de ce choix leur donnant l'impression d'un "basculement à gauche", d'un "ralliement au PS", je demande de regarder avec plus de discernement ce qui est en train de se passer sur notre scène politique :

- la droite UMP est en train de dériver vers le Front National. Aujourd'hui ce n'est même pas le discours économique sur la crise et l'Europe qui domine, mais les questions sécuritaires, d'immigration et de frontières, repris du Front National. Qui a eu le courage à l'UMP, chez les radicaux ou les pseudo-centristes, de dénoncer cette dérive ? Seuls Villepin et Paillé ont osé. Jacques Chirac lui-même, sa fille et son gendre (et d'autres Gaullistes) ont voté Hollande !

- choisir un président ne revient pas à adhérer ou se rallier au parti qui a soutenu ce président. Le choix du parti se fait dans le vote suivant : les législatives. La position de Bayrou était plus un choix de personne et de valeurs partagées. Les priorités au redressement productif, à l'éducation, à la moralisation publiques, à une meilleure justice fiscale dans la répartition de l'effort, démontrent aussi des convergences. Le point critique étant essentiellement sur la crédibilité du redressement des finances publiques.

Comme le rappelle Cynthia Fleury dans son essai philosophique "La fin du courage" : il n’y a pas de courage politique sans courage moral. Elle démontre  comment un retour à l’exemplarité politique est non seulement possible, mais urgent. 

L'important en politique, c'est le courage. Si notre attitude procède d'une morale (terme plus fort et plus profond que l'éthique) et de liberté (d'esprit, de parole, contraire à la soumission et à l'asservissement), seule la voie du courage est la bonne (et la plus difficile). Elle isole parfois, quand les autres ne sont pas eux-mêmes courageux notamment et suivent comme des moutons ...L'exemple de la Résistance face au Nazisme et au suivisme de Vichy en est une belle preuve !

François Bayrou appartient à la catégorie de ces hommes-là, qu'on appelle "hommes d'Etat", ceux qui ont encore du courage et de la résistance, la volonté de faire passer l'intérêt du pays et ce qui est juste avant l'intérêt personnel. Il mérite l'estime, il mérite d'être réélu. Et si malheureusement il ne l'était pas, il reste une voix libre qui compte dans le pays. Le Mouvement Démocrate aura souffert de la radicalisation accentuée par la crise, du rouleau compresseur électoral, de la centrifugeuse ("centri-tueuse" ?) de la bipolarité, mais reste une force libre et constructive, qui doit aussi compter dans la vie politique et dans le débat. Plus que jamais je pense que ça en vaut la peine et que l'avenir nous donnera raison.

Citations :

<<  Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles qu'il faut renoncer à ce que l'on croit juste  >>
|                  
François Bayrou 

<< Le courage, c’est d’agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l’univers profond, ni s’il lui réserve une récompense. >>
|                
 Jean Jaures  

<< Il n’y a de classe dirigeante que courageuse. À toute époque, les classes dirigeantes se sont constituées par le courage, par l’acceptation consciente du risque. Dirige celui qui risque ce que les dirigés ne veulent pas risquer. Est respecté celui qui, volontairement, accomplit pour les autres les actes difficiles ou dangereux. Est un chef celui qui procure aux autres la sécurité, en prenant pour soi les dangers. >>
|                  Jean Jaures 

<< Il faut savoir ce que l’on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire. Quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire. >>
|                 Georges Clémenceau 

 Pour les moins courageux :
<< Il y a quelque chose de pire que d'avoir une mauvaise pensée. C'est d'avoir une pensée toute faite. Il y a quelque chose de pire que d'avoir une mauvaise âme et même de se faire une mauvaise âme. C'est d'avoir une âme toute faite. Il y a quelque chose de pire que d'avoir une âme même perverse. C'est d'avoir une âme habituée. >>
|                 Charles Péguy

Commentaires

  • On ne peut que féliciter françois BAYROU pour son courage,son honneteté politique,sa fidélité à l'Humanisme et aux valeurs républicaines dans son engagement.
    Oui,il paye très cher pour ce courage... mais c'est tout à son honneur.Il est loin de celles et de ceux qui sans vegogne allaient surfer sur les idées extrémistes du Front National pour maintenir leurs "postes"...
    Dommage que l'abstention soit si forte... mais tous les partis politiques sans exception devraient mener une rflexion sur la désafection des citoyennes et citoyens de l'action politique.Il est temps aussi que l'ensemble des partis politiques démocratiques et républicains interdisent définitivement les cumuls des mandats et que les appareils politiques azbondonnent les parachutages "promotionnels". Un candidat habitant sa commune,son canton,sa circonscription,son département et sa région...

  • Le grand malheur pour la France, c'est que plus de la majorité des français ne veut ni du courage moral ni du courage politique!!!
    Oui, c'est un grand malheur pour la France et pour les français.
    Françoise

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